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Prise en charge holistique des victimes de VBG: « Le certificat médical constitue la carte sésame », dixit Rodrigue MOUNANA

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(Quelques pistes de solutions face aux réalités de terrain)

Le certificat médical est gratuit pour les victimes de violences basées sur le genre (VBG) au Bénin suite à une réquisition. Le ministère de la justice se charge de payer le médecin lorsqu’il est réquisitionné par l’officier de police judiciaire, le procureur ou le juge. Mais dans la pratique, les victimes n’ont pas accès si facilement à ce document capital dans le dispositif de prise en charge holistique des cas de VBG. Dans cette interview, Bansouomou Rodrigue MOUNANA, le chargé de projet à l’Ong Famille Nutrition et Développement (FND) revient sur l’importance de cette pièce et quelques réalités de terrain au sujet de son obtention puis propose des solutions.

Que représente le certificat médical dans le processus de la prise en charge des victimes ou survivantes de VBG ?

Le certificat médical pour les victimes ou les survivantes de violence basée sur le genre constitue en quelque sorte la carte sésame ou la carte maîtresse qui permet l’entrée en justice des victimes lorsqu’elles sont victimes de toutes les formes de violence que nous connaissons. Ce document qui est souvent délivré par le centre de santé, permet d’entamer toutes les procédures judiciaires qu’il faut. C’est lui qui permet de produire toutes les preuves médico-légales qui permettront à la justice de pouvoir prendre des décisions en connaissance de cause, et bien sûr, avec d’autres faits qui pourront être présentés. Mais sur l’aspect médico-légal, c’est ce document qui vraiment permet l’entrée en justice pour les cas de violence basée sur le genre.

Est-ce à dire que sans cette pièce, on ne peut pas déclencher le processus de la prise en charge d’une victime ?

La prise en charge commence avant même qu’on arrive à la délivrance du certificat médical. Si vous prenez le cas d’une jeune fille qui a été violée, blessée et autres, déjà même l’accueil auprès des acteurs qui reçoivent cette fille ou cette femme victime de violence constitue un début de prise en charge. Avant d’arriver au certificat médical, les médecins spécialistes les consultent déjà. Cette consultation est déjà une forme de prise en charge médicale qui commence. Donc c’est lorsqu’ils commencent tout ça, et font leurs analyses médicales qu’ils arrivent à ce document qui dit ‘’quand j’ai reçu telle personne victime de tel type de violence, voilà ce que j’ai constaté dans mes examens’’. C’est en ce moment qu’on sort ce document et la prise en charge se poursuit maintenant vers le volet juridico-judiciaire. C’est en ce moment-là que ce document émanant de la santé vient entrer en jeu pour voir qu’est-ce que la victime a dit avoir subi. Avec les preuves médico-médicales présentent, cela permet de poursuivre l’aspect de la prise en charge judiciaire qui permet de faire la réparation. Il y a la réparation pénale qui vient d’abord en premier lieu, qui consiste à sanctionner les présumés pour le forfait qu’ils ont commis. Ensuite, suivront les sanctions civiles qui consistent en la réparation des dommages causés. Sinon, avant même que le certificat médical n’arrive, la prise en charge a déjà commencé quelque part et après l’intervention du certificat médical la prise en charge continue en fonction du besoin de la personne victime de la violence.

Comment peut-on obtenir cette pièce ?

Aujourd’hui, avec le ministère des affaires sociales et l’INF, il y a dans les procédures opérationnelles standardisées, ce circuit de prise en charge qui est déjà défini. Il y a plusieurs portes d’entrée.

Quelles sont ces portes d’entrée ?

Je suis jeune fille ou femme victime de violence dans une localité x. Quelle que soit la nature de la violence, je regarde dans ma localité, qu’est-ce qui est plus proche de moi. Est-ce que c’est le Gups, ce qu’on appelait communément centre social ou CPS, c’est l’appellation qui est jusqu’à présent connue de toutes nos communautés depuis la base. Si c’est ça qui est plus proche de moi, je me dirige vers cela. C’est une porte d’entrée dans le circuit de prise en charge. Chacun au niveau de la chaîne ou du schéma de la prise en charge connait quel est exactement son rôle. Le CPS va faire ce qui est à faire à son niveau et vous renvoie vers une autre structure compétente pour le reste. 

Je suppose que vous êtes venu au niveau du Gups ou centre social. Ils vous accueillent, vont vous écouter, vont vous apporter le type d’appui à leur niveau qui est tout ce qui est volet social, ils ont des psychologues, ils ont des assistants sociaux. Ensuite, vous référer vers un centre de santé ou vers un commissariat. C’est au commissariat maintenant de vous délivrer la réquisition. C’est cette réquisition que vous amenez vers le centre de santé. L’agent de santé qui est le médecin spécialiste ou médecin gynécologue en fonction de qui est habilité par rapport à votre problème pour vous recevoir, sur la base de la réquisition maintenant va vous consulter, poser son diagnostic et délivrer le certificat médical. 

Si là où j’ai été victime, c’est le centre de santé qui est plus proche de moi, j’entre par le centre de santé. C’est aussi une porte d’entrée. Dès que je suis au niveau du centre de santé, étant un circuit, eux aussi ont obligation non seulement d’apporter ces soins mais aussi d’alerter le commissariat de la place pour dire ‘’j’ai tel cas, je veux une réquisition’’. Le commissariat aussi délivre la réquisition. 

Ou peut-être, si c’est le commissariat qui est plus proche, j’entre par là parce qu’on a les commissariats d’arrondissement. On m’auditionne tout comme dans l’autre étape où je suis entrée par le CPS. Pendant que le commissariat fait sa réquisition et le centre de santé s’occupe de moi, eux ils ont déjà un certain nombre d’éléments à leur niveau qui leur permet de mener leur enquête sociale et judiciaire pour chercher à appréhender le mis en cause.

Si vous avez la chance d’être plus proche d’un CIPEC-VBG, là encore vous avez beaucoup d’acteurs qui sont là et qui réduisent déjà les tracasseries entre centre de santé, centre sociale. Là, vous avez cet ensemble d’acteurs réunis au même endroit et cela facilite le processus. 

L’INF aussi est une porte d’entrée. Elle est aujourd’hui présente dans tous les arrondissements du Bénin ; ils sont leurs points focaux. Lorsque vous entrez par eux, on vous accueille et le circuit est encore déclenché. Chacun joue son rôle, sa partition dans ce circuit. La particularité de l’INF aujourd’hui, c’est vraiment une structure autonome par rapport à cette thématique de VBG. Elle a la possibilité de s’auto-saisir. 

Dans ce circuit, il y a également nous acteurs de la société civile que nous appelons ONG habilitées qui interviennent sur la thématique. Lorsque le cas vient vers nous, en fonction de ce que chaque ONG offre comme prestation, cette Ong suit aussi le circuit normal qu’il faut. Les Ong sont aussi dans l’obligation de remonter les informations vers l’état pour ne pas dire vers les Gups de leur localité pour qu’on puisse remonter les statistiques au niveau national sur la plateforme SIDoFFE.

Cas pratique de FND

Chez nous par exemple, nous essayons d’offrir une prise en charge holistique mais de façon coordonnée avec les autres acteurs. Actuellement, nous sommes en train de mener un projet de renforcement de la prise en charge holistique des violences basées sur le genre dans le département de l’Atlantique notamment les communes d’Abomey-Calavi, Zè et Sô-Ava. Ce projet a démarré avec l’implication de tous les acteurs au niveau de notre département, je veux parler du ministère des affaires sociales notamment les chefs Gups qui sont dans notre zone d’intervention avec qui nous travaillons. Lorsqu’on a un cas par exemple qui vient, nous avons actuellement une enveloppe financière, nous leur offrons les soins de santé qui conviennent. Après les soins de santé nous informons notre CPS de la zone. Actuellement les quatre CPS (Akassato, Hêvié, Calavi centre et de Godomey) sont informés que nous avons un tel projet qui est en cours. Les agents de santé et les OPJ sont informés. Nous travaillons en synergie avec les autres acteurs pour offrir ce paquet.

En définissant les étapes de l’obtention du Certificat médical, on sent que normalement il ne devait pas avoir de problème. D’ailleurs, en juin 2022, à la prise de l’arrêté interministériel qui définit les conditions de délivrance de ce document, vous acteurs de la société civile avez applaudi.

Il faut le notifier que depuis 2022, quand il y a eu la prise de l’arrêter interministériel sur la gratuité du certificat médical, nous avons applaudi. Nous acteurs, nous étions très soulagés parce qu’auparavant, il faut que la victime ait de l’argent en main. Tantôt c’est 10.000, tantôt c’est 15.000. Il fallait avoir forcément quelque chose en main avant d’avoir le certificat médical ; et c’est très compliqué pour nous acteurs et pour aussi les victimes en question. Quand l’arrêté a été pris, nous étions très heureux.

Alors, qu’est-ce qui n’a pas marché par la suite ?

Nous étions très heureux de la prise de cet arrêté mais aujourd’hui sur le terrain, nous avons remarqué que bien que l’arrêté soit présent, il y a certains acteurs qui ne sont pas informés, c’est-à-dire l’information n’est pas encore tellement divulguée, même certains acteurs n’ont pas encore connaissance de cet arrêté. Donc il y a d’abord manque d’information à certains niveaux. A d’autres niveaux où il y a déjà l’information, le cas par exemple où je suis médecin ou agent de santé et que j’ai connaissance de la loi. Dans la loi, il est dit que je dois délivrer le certificat médical gratuitement et que les frais sont payés par le ministère de la justice. J’évolue, je fais le travail suivant la procédure mais les frais ne me sont pas payés à temps. Parfois je suis affecté ailleurs avant que ça ne soit reversé. Ce n’est pas reversé directement sur mon compte personnel mais c’est sur le compte de l’hôpital où j’étais ; je ne suis plus là. Ça fait qu’aujourd’hui, certains ayant connaissance de la loi mais sachant qu’ils ne vont pas rentrer vite en possession de leur frais, refusent de délivrer cette pièce-là. Ou bien par peur de dire ‘’si je ne délivre pas, je pourrai être poursuivi autrement pour dire que j’ai refusé de rendre un service’’, certains vont demander à la victime de repasser demain alors qu’elle a parcouru 5 à 10 km difficilement. Elle rentre le soir découragée, puis le lendemain elle ne revient pas. Le médecin, c’était son intention au fait. Voilà par exemple, quelques difficultés que nous rencontrons.

Alors, que faut-il faire ? Certains acteurs estiment qu’il faut encore une relecture de l’arrêté.

Je ne dirai pas tout de suite qu’il faut aller à une relecture de l’arrêté. C’est sorti il n’y a pas encore longtemps. Nous sommes encore en phase de vulgarisation. Nous acteur d’abord, nous devons vulgariser le document pour que tout le monde puisse avoir la même compréhension et comprendre le bien-fondé de ce document qui aujourd’hui est très important. Il faut reconnaître les efforts louables qui ont déjà été faits au niveau étatique par rapport à ça. La vulgarisation nécessite que nous sensibilisions les acteurs qui sont en charge de donner ce document ; qu’ils comprennent d’abord que c’est une mission à laquelle ils sont aussi appelés ; c’est leur contribution aussi à bâtir une société équitable, une société où tout le monde est à l’abri de toute forme de violence. Aussi, c’est de continuer les actions de plaidoyer toujours à l’endroit de l’Etat ou bien d’autres acteurs pour qu’un mécanisme soit bien défini pour répondre aux cris de détresse de ces acteurs, particulièrement pour entrer en possession de leur frais à temps. Est-ce qu’il faut désormais que les fonds parviennent directement dans les comptes des personnes ayant délivré les certificats médicaux ou bien faut-t-il désormais définir un délai très strict pour le virement de ces fonds ? Il faut vraiment que nous acteurs, nous réfléchissons pour orienter les actions de plaidoyer dans ce sens. Dans la vulgarisation, il faut que nous amenions même les victimes à comprendre que lorsqu’elles sont dans la situation, elles sont toujours en droit d’avoir ce document, et lorsqu’elles se trouvent heurtées à une quelconque difficulté, c’est de leur droit de remonter directement l’information vers les premiers acteurs qui les ont reçu convenablement et qui les ont référé vers cette structure où elles ont eu de difficulté, pour que d’autres actions soient vraiment prises pour la restauration de leur droit et de leur dignité qui leur a été volé.

Avec CeRADIS-ONG, membre de l’Alliance Droits & Santé

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