Iris Mushitsi, Spécialiste Genre et Adolescence à l’UNICEF Bénin, parle des défis et avancées en matière d’égalité des genres. Elle souligne l’importance de l’implication des hommes et des garçons pour un changement durable.
Au-delà des célébrations du 8 mars, quels sont, selon vous, les principaux défis qui freinent encore aujourd’hui l’égalité des genres, notamment pour les adolescentes et les jeunes femmes au Bénin ?
Au Bénin, bien que des progrès aient été réalisés en matière de promotion de l’égalité de genre et de l’autonomisation des filles et des jeunes femmes, les adolescentes et les jeunes filles restent les plus vulnérables face aux violences et aux privations multidimensionnelles qui compromettent leurs droits, leur autonomisation et leur bien-être. Elles demeurent confrontées à des stéréotypes qui favorisent la persistance à leur encontre de pratiques préjudiciables comme le mariage d’enfants, les violences sexuelles ou d’autres formes de violences basées sur le genre.
Cela est dû aux normes socio-économiques rigides, aux inégalités de genre, au manque de voix et de pouvoir décisionnel auxquels s’ajoutent un accès inéquitable aux services essentiels de qualité (l’éducation, la protection, la santé, la protection sociale, la nutrition).
L’un des défis majeurs reste l’abandon scolaire des filles, en particulier à partir du secondaire. Seuls 29% des filles terminent le premier cycle du secondaire et seulement 14% achèvent le second cycle. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, notamment la gestion de l’hygiène menstruelle, les grossesses précoces et les mariages d’enfants qui forcent de nombreuses filles à quitter l’école.
Une fille sur quatre a subi des violences sexuelles ou physiques et 27,5 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les adolescentes issues des communautés agro-pastorales ou vivant avec un handicap sont encore plus exposées à ces privations et violences. Enfin, la propagation de la crise du Sahel et les effets du changement climatique aggravent les conditions de vie des adolescentes et jeunes femmes, les exposant encore davantage aux risques de violences et de privation.
L’UNICEF a pour mission principale de défendre les droits des enfants. Pourquoi l’organisation s’investit-elle également dans les questions liées aux femmes ?
L’égalité de genre est une composante essentielle pour la réalisation du mandat de l’UNICEF, qui consiste à défendre et promouvoir les droits de tous les enfants. Le plan d’action pour l’égalité des genres fait avancer cette égalité à toutes les étapes de la vie.
La discrimination fondée sur le genre entraînera des répercussions tout au long de la vie et des implications intergénérationnelles. L’organisation investit beaucoup dans le leadership et le bien être des adolescentes, en amplifiant leurs voix et leurs capacités à agir.
Les femmes, en particulier les mères, jouent un rôle clé dans le bien-être des enfants. Le niveau d’instruction des femmes a un impact direct sur la santé et le développement de leurs enfants. Par exemple, dans les zones où le taux d’alphabétisation des femmes est faible, la couverture vaccinale des enfants est souvent moins élevée.
Cela est dû à un manque de connaissances en matière de santé, ce qui affecte leur capacité à accéder aux services de santé essentiels. Ainsi, l’autonomisation des femmes et l’égalité des genres sont cruciales non seulement pour améliorer la condition des femmes, mais aussi garantir des résultats positifs pour le bien-être générale des enfants.
Quels sont les principaux leviers d’action pour améliorer l’accès des filles à l’éducation, à la santé et à des opportunités économiques, et quelles en sont les avancées concrètes ?
A UNICEF Bénin, nous intégrons systématiquement l’égalité des genres dans nos domaines d’actions prioritaires. Notre programme de coopération adopte une approche multisectorielle qui s’attaque aux causes structurelles des inégalités de genre tout en mettant un accent sur le leadership et le bien-être des filles et des adolescentes. Nous travaillons avec les hommes et les garçons pour qu’ils agissent en faveur de l’égalité de genre.
Notre stratégie consiste principalement en 3 leviers d’actions :
– Le développement des compétences des adolescentes afin de bâtir un capital humain transformatif ;
– Le leadership, la participation et le bien-être des filles ;
– Un accès équitable aux services sociaux essentiels adaptés aux besoins spécifiques des filles.
Quels engagements ou transformations concrètes aimeriez-vous voir se matérialiser dans les prochaines années pour les filles et adolescentes du Bénin ?
Le Bénin fait partie des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre disposant d’un cadre institutionnel et juridique avancé, avec des politiques favorables à l’égalité des genres et à la protection des filles contre les violences. Cependant, des efforts doivent être faits encore, pour améliorer la mise en œuvre de ces politiques, un défi tout à fait réalisable.
Je rêve de voir toutes les filles scolarisées, protégées de toutes formes de violences et de discriminations, et bénéficiant d’un accès équitable à des services essentiels adaptés à leurs besoins. J’aimerais également voir davantage d’adolescentes et de femmes dans les espaces de prise de décision, que ce soit dans les ministères, les mairies, les hôpitaux, les écoles ou les universités. Ces femmes doivent devenir des modèles pour les jeunes filles, des leaders qui brisent les stéréotypes de genre et atteignent leur plein potentiel.
Quelle place pour les garçons et les hommes dans l’égalité des genres ?
Il est également essentiel que les hommes et les garçons soient pleinement impliqués dans le processus de transformation, en soutenant activement l’égalité des genres. Leur engagement est crucial pour avoir un avenir où les filles et les garçons grandissent ensemble.
Hippolyte Djiwan