À l’occasion de la fête du travail, Anselme Koovi Amoussou, Secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin) et secrétaire général adjoint de la Confédération syndicale internationale – Afrique (CSI-Afrique), a accordé une interview à RFI. Dans un ton grave, il dresse un tableau préoccupant de la situation des droits des travailleurs sur le continent africain. Entre affaiblissement des syndicats, répression politique et exclusion des travailleurs de l’informel, il lance un appel à la mobilisation contre l’érosion du dialogue social.
Un syndicalisme en crise
« Les droits des travailleurs en Afrique en 2025 sont en difficulté », alerte Anselme Koovi Amoussou. Selon lui, cette crise est mondiale, mais l’Afrique en paie un tribut plus lourd à cause de la faiblesse structurelle de son syndicalisme. Le faible taux de syndicalisation, notamment dans les pays francophones où il dépasse rarement les 3 %, et la division du paysage syndical empêchent une défense efficace des travailleurs. Résultat : les violations de droits se multiplient et les brimades contre les responsables syndicaux deviennent monnaie courante.
Des pays particulièrement en souffrance
Anselme Amoussou pointe du doigt plusieurs zones critiques. Les pays francophones d’Afrique, en premier lieu, souffrent d’un éclatement syndical qui dilue leur pouvoir face aux employeurs et aux autorités. Même des nations naguère citées en exemple, comme la Tunisie avec son UGTT, sont aujourd’hui fragilisées par des régimes de plus en plus autoritaires. Dans les pays confrontés à des crises sécuritaires ou dirigés par des juntes militaires – Mali, Burkina Faso, Niger –, les droits syndicaux sont encore plus mis à mal. Les revendications sont perçues comme des menaces à la stabilité nationale, et les travailleurs sont sommés de garder le silence « au nom de l’effort patriotique ».
L’exclusion persistante du secteur informel
Le constat est encore plus accablant pour les travailleurs du secteur informel, qui représentent environ 90 % de l’emploi en Afrique subsaharienne. « Ces travailleurs sont largement sans-droits », déplore Koovi Amoussou. Malgré des tentatives de syndicalisation, la précarité quotidienne, l’inaccessibilité des structures syndicales et une perte de confiance généralisée les tiennent à l’écart de toute forme de représentation. Certains n’attendent plus rien des autorités ni des syndicats, ce qui, selon lui, constitue « un drame social ».
Le Bénin et la lutte pour les libertés syndicales
La situation du Bénin, pays d’origine du syndicaliste, n’est guère plus reluisante. Le droit de grève y est strictement encadré, limité à deux jours par mois, avec plusieurs secteurs stratégiques – santé, hydrocarbures, transport aérien – entièrement privés de ce droit. « C’est un combat que nous continuons de mener », assure Amoussou, qui conteste l’argument selon lequel ces restrictions auraient favorisé les investissements étrangers. « Ces lois n’ont pas atteint leurs objectifs. Il est temps de revenir à la raison. »
Un appel à la mobilisation
Face à la montée des régimes autoritaires, au recul du dialogue social et à la marginalisation croissante des travailleurs, Anselme Koovi Amoussou en appelle à une mobilisation urgente des forces syndicales africaines. « Il faut défendre les droits des travailleurs avec force, sans quoi nous risquons de sombrer dans un modèle de société où l’exploitation devient la norme. »